La gravité de la légèreté
Par Myreille Bédard

Sans titre, Fusain, Bérengère Bélanger
« On devrait consacrer le temps très bref que l’on passe en ce monde à essayer de se réveiller du sommeil de la gravité.»
– Dzigar Kongtrul Rinpoché. Le bonheur est entre vos mains – Petit guide du bouddhisme à l’usage de tous, Éditions Les petits collectors Marabout, 2007 –
LA GRAVITÉ DE LA LÉGÈRETÉ
Le poids des mots, le poids des choses, le poids du passé… L’être humain traîne avec lui dans son sillage une irréfutable force d’attraction vers le bas, la loi de la gravité, qui l’empêche trop souvent de prendre son envol et de se libérer de ses entraves.
Oh! Combien sont admirables et enviables les personnes qui réussissent à faire don de leur sourire, alors qu’elles connaissent l’épreuve, pareilles à ces enfants qui jouent avec insouciance dans les ruines d’une guerre qui ne leur appartient pas. J’aimerais être cet étranger à la peau burinée par le soleil qui, alors que j’étais assise un soir d‘été à une terrasse, chantait avec ardeur, en grattant sa guitare, comme si c’était le premier jour de sa vie. Pour le remercier, je lui ai donné le peu d’argent comptant que j’avais dans mon portefeuille. Nous vivons dans un monde virtuel et de plastique, alors il devient de plus en plus difficile de donner aux passants. En fait, cette somme était symbolique en regard de ce qu’il m’apportait, sans le savoir. Il me ramenait à l’essence même de la vie, à cette joie profonde et véritable d’être vivante, vivante et liée aux autres. Sa voix libre et expressive, montant dans la nuit, m’a fait oublier pour un long moment la solitude des villes que je percevais derrière son regard scintillant. Je voulais connaître son mystère et savoir d’où il provenait, mais cet ange vagabond n’avait nullement l’intention de se livrer et il avait bien raison. Après tout, le mystère est, par définition, fait pour le demeurer.
Et voilà que je reviens à ma réalité, à mes doutes et mes tracas, à mes peurs et mes inquiétudes. Je pense à cela et me demande comment faire pour m’extirper de cette gravité. Ne pas laisser mon regard s’assombrir parce qu’il ne voit plus la lumière, cachée par des nuages bien souvent illusoires. Dans le sens où mon œil voit ce qu’il veut bien voir. On dit que les contraires s’attirent. L’électricité n’est-elle pas possible par l’union des pôles positif et négatif? Alors, la gravité et la légèreté seraient-elles les deux faces d’une même image?
L’ART DE VOYAGER LÉGER
Savoir voyager léger est un forme d’art qui demande de longues années de pratique avant d‘y arriver, et ce, tant au sens littéral de l’expression que sur le plan philosophique. Je m’explique. La plupart d’entre nous, alors qu’on atteint l’âge d’être assez autonomes pour partir seul à l’aventure, amenons pour tout bagage un simple sac à dos, dans lequel on met quelques vêtements de rechange, une couverture en guise de matelas, un carnet de notes et sa brosse à dents; et encore. La différence avec les jeunes aujourd’hui se trouve probablement dans les bidules électroniques de tout acabit qui font partie de leur quotidien.
Je disais donc que, lorsque l’on est jeune, on voyage généralement plutôt léger. Puis, au fil du temps, avec le poids des années, on ressent le besoin d’avoir plus de confort, de sécurité et donc de se munir de mille et une choses, au cas où… Et il en est de même avec notre maison, notre mode de vie, on s’encombre, on surcharge notre environnement pour, au final, en devenir prisonnier, à notre insu. Notre bagage petit à petit s’alourdit et notre mobilité se réduit. Avec le temps, je prends conscience de ma difficulté à résister à cet enlisement consumériste qui nous guette tous; de ce défi d’aller à l’essentiel, de se délester de l’inutile et du superflu. La maîtrise dans toute forme d’art consiste à cela, à trouver la fluidité du mouvement, la pureté du timbre, la clarté de l’intention. Ne plus percevoir derrière cette maîtrise, tout l’effort et les heures innombrables qui ont été consacrés à s’arracher à notre condition humaine et à l’attraction terrestre. Pour y arriver il faut, le plus souvent, toute une vie. Retrouver l’essence et la légèreté de l’enfance, dans sa plus pure expression.
Parfois, lorsque je chante, tout mon être atteint un état de grâce et je sens alors mon âme qui s’allège. Ma voix devient souple et se laisse porter par ce sentiment ineffable de légèreté.
En guise de clin d’œil à la saison estivale qui débute, j’ai envie de terminer en vous offrant le texte d’une chanson que j’ai écrite et enregistrée il y a quelques années, alors que je réalisais mon deuxième opus. Et, si vous désirez l’entendre, cliquez sur le lien plus bas.
INSOUTENABLE LÉGÈRETÉ DE L’ÉTÉ
Les avenues et les ruelles
Font écho à chaque soupir
Les Conquistadors et les belles
Pavanent leur plus beau sourire
Les trottoirs ternes et blafards
Deviennent plages bariolées
Les jours de frimas et cafard
Font place aux plaisirs échev’lés
REFRAIN
Insoutenable légèreté de l’été
Plus rien, plus rien pour nous importuner
Insoutenable légèreté de l’été
Laisser, laisser l’ivresse nous emporter
Les robes se parent de fleurs
La pluie annonce l’arc-en-ciel
Tout devient prétexte au bonheur
Et un à un, les cœurs chancellent
C’est l’heure de l’insouciance
Les yeux coquins, baisers volés
Où l’on s’invente une romance
Dans la nuit chaude et étoilée
REFRAIN
Insoutenable légèreté de l’été
Plus rien, plus rien pour nous importuner
Insoutenable légèreté de l’été
Laisser, laisser l’ivresse nous emporter
Paroles : Myreille Bédard /Musique : Christine Tassan
© Néméa Productions 2008
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Fluidité, pureté et clarté; j’en ferai mon mantra en cette belle journée d’été! Merci Myreille.
Chère Rhina,
Ton commentaire m’honore et je suis ravie que cela puisse t’inspirer et t’accompagner.
Merci à toi!
Myreille
Merci Mireille pour cette instant de douceur et de légèreté.
Très heureuse, chère Marie,que cela ait pu te procurer ce sentiment.
Merci!
Myreille
Merveilleuse découverte,