Passent les années
Par Johanne Harvey

La répétition, Pastels secs, Février 2018, Johanne Harvey
«Et le même puits d’où fuse votre rire fut souvent rempli de vos larmes.»
Tiré du livre Le prophète, de Khalil Gibran
Voici venu le temps des bilans et des résolutions… Cette dernière année ne fut pas facile à bien des égards. Mais lorsque je regarde les douze derniers mois, je vois que j’ai affronté avec succès plusieurs défis qui me terrorisaient. Retourner à hôpital me faire opérer et récupérer des suites opératoires. Reprendre le travail après des mois d’absence, avec le sentiment d’être partie sur une autre planète, quitter mon emploi, mon appartement et la Suisse, retourner vivre au Québec et me réinstaller.
Cela fait plusieurs années que, lorsqu’arrive la fin décembre et le jour de l’An, je ne me sens pas bien. J’ai pris l’habitude de traverser le passage seule, à l’abri chez moi. Quand j’étais jeune, je faisais la fête avec mes amis puis, pendant plusieurs années, j’ai expérimenté diverses manières de faire : repas avec des amis, soirée familiale, spectacle ou fête organisée publique, etc. Mais, à chaque fois, je me sentais en désaccord avec la joie ambiante, j’avais l’impression de me forcer, de ne pas me sentir à ma place et vulnérable.
Cela me rappelle ces dimanches de mon enfance où nous nous retrouvions en famille et où nous nous ennuyions tellement. Alors, pour ne pas sentir ce sentiment si accablant et incompréhensible, nous invitions quelqu’un, la première personne que nous trouvions. Je me souviens de notre insistance commune pour avoir la présence de quelqu’un d’autre avec nous, afin de ne plus nous sentir abandonnés. Ce tiers nous permettait de ne pas sentir la béance qui risquait de nous engloutir ; presqu’un sentiment de vie ou de mort.
Parfois, je me sens comme un gros tube digestif émotionnel. Chaque matin dans ma méditation, je travaille à me détendre, à accueillir mon état du jour ; pas toujours simple à faire. Mais au moins je ne bloque plus autant qu’avant. C’est un progrès!
Le temps de fêtes est terminé. Je n’aime pas le mois de janvier.
Autant les défis de la dernière année me terrorisaient, autant le vide de cette année à venir me semble encore plus terrifiant et me paralyse. J’ai le sentiment de me battre contre quelque chose qui n’a pas de mots, quelque chose qui me paralyse et m’empêche d’avancer, de voir. Le matin, je me réveille avec un sentiment d’impuissance et je passe ma journée à me redresser. Je n’ai pas envie d’être ici et ne sais plus ce que je veux. J’ai beau tenter, sans succès jusque-là, de retrouver ce qui me faisait rêver, je n’arrive pas à me projeter.
J’ai l’impression de retrouver un vieux monstre.
À quoi est-ce que je résiste? Je me sens comme une bouteille de coke qui a perdu son gaz, je me sens flat… Je tourne en rond et cherche le fil conducteur. Même l’écriture bloque. Les mots sortent laborieusement. Confusion, peur, ennui. Ma tête veut, veut, veut! Et mon coeur dans tout ça, que désire-t-il? Suivre le flow…
Les années passent et ne se ressemblent pas. J’essaie du mieux que je peux d’être là, à l’écoute, de faire avec et de consentir à ce qui se présente, puis d’agir. Je me suis fait la promesse que, cette fois, mon immigration se ferait sans que je laisse une partie de moi là-bas. Bien sûr, je chemine plus lentement. Toutefois, je commence à croire que de cette manière on va plus loin.
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Re Bonjour Johanne
J’étais réveillé et comme je fais de temps en temps je Google des gens que j’ai connus et je suis tombé sur ce site.
Je vous Diane Potvin de temps à autre. Nous vivons tous les deux à Montréal.
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