Revivre
Par Johanne Michel

Les dauphins, Acrylique, Johanne Michel, 2012
Tout commence à l’Est, disent les chinois. En quittant Montréal, je me suis dirigée vers l’Est pour entreprendre une nouvelle vie avec incertitude, courage et plein de deuils en file d’attente; deuil de mon couple après 25 ans, de la sécurité financière, de mon chien Casey, de mon quartier adoré Côte-des-Neiges, de ma belle-famille, de mes voisins et ma ville. Et pour emménager chez ma sœur, un temps.
Les débuts sont prometteurs, je m’active et je mets toutes les chances de mon côté en abordant les gens afin de mieux m’intégrer. Je m’intéresse à ma nouvelle ville, je travaille à temps partiel quelques semaines pour un OSBL et je fais du sport.
L’automne arrive et je frappe un mur. Tous les deuils me rattrapent. Même après avoir lu et intégré le livre sur le deuil de Jean Monbourquette, Grandir, je m’effondre. Je me sens profondément déprimée, anxieuse et j’ai des idées suicidaires. Comme me l’expliquera plus tard la psychologue que je consulte, je traverse l’étape du deuil nommée « remise en question », qui explique en partie ce que je vis. Sur le schéma, elle me montre celle-ci, une étape faisant partie de la « boucle du changement », nom qu’elle a donné au processus du deuil, alors qu’elle animait un atelier sur le sujet. Il semblerait que, suite à la séparation, j’aurais pris un raccourci dans le processus, quelque part entre le choc initial et la réorganisation. J’ai rebroussé chemin dans la boucle pour revenir vers la remise en question et compléter le parcours. Ouf! Épuisant! Mais je réalise également que j’ai beaucoup de forces en réserve et cette idée m’encourage.
Cette expérience vient me faire comprendre toute l’importance de bien accueillir les émotions en soi et de leur permettre d’être. J’apprends à me réserver du temps pour les exprimer. Que ce soit pleurer, chanter, regarder des films tristes – ou drôles –, parler à une amie, écrire. Même au Gym sur le vélo stationnaire ou sur le tapis roulant où je me défoule, j’apprends à me connecter, à me relier à ce que je vis à l’intérieur. Comme le dit si bien Dre Christiane Northrup dans son livre La sagesse de la ménopause, « Les émotions sont des guides ; les émotions qui vous aident à vous sentir bien vous guident vers la santé, tandis que celles qui provoquent chez vous un malaise essaient d’attirer votre attention afin que vous changiez soit votre perception, soit votre comportement. C’est aussi simple que cela. »
Au début de la thérapie, j’étais dans un état paralysant mes émotions. Je me sentais gelée car je refusais de laisser libre cours à celles-ci, à me les autoriser. Les larmes sont venues apaiser la douleur et, tranquillement, j’ai réorienté mon énergie vers de nouveaux projets, de nouvelles amitiés, et même un nouvel amoureux. L’idée de faire mes deuils avant d’entreprendre une autre relation a fonctionné pour un temps et m’a fait un grand bien. Par la suite, j’ai senti la vie en moi qui voulait croître. J’ai compris qu’il était temps de continuer à vivre et que le chemin de la guérison se poursuivrait. En discuter avec un professionnel m’a permis de comprendre les étapes d’un deuil et cela m’a rassurée, puisque ce que je vivais était dans l’ordre naturel des choses. Trop souvent, il est difficile dans notre société de trouver de la sollicitude autour de soi quand une telle épreuve arrive. On entend des phrases comme « Passe à d’autres choses » ou « Elle parle encore de ça ». Il est temps que le deuil cesse d’être un tabou et que la compassion accompagne la personne endeuillée dans ce processus. Prendre la main, écouter et être présent sont des cadeaux que ma famille et mes amies m’ont offerts et je leur en suis reconnaissante. Plutôt que d¹oublier, je choisis d’honorer les liens dissous, célébrant ce qui, par-dessus tout, reste de bon, dans mes souvenirs et dans mon coeur. Faire un deuil, c’est savoir ce qu’on laisse partir pour ensuite mieux accueillir la Vie et, éventuellement, créer à nouveau.
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Même dans l’éloignement des êtres tu n’es pas seul dans celui des coeurs que tu as touchés.